« La Parole de Dieu, dans l’Islam, c’est le Coran ; dans le Christianisme, c’est le Christ. Le véhicule du Message Divin dans le Christianisme, c’est la Vierge Marie ; dans l’Islam, c’est l’âme du Prophète. Le Prophète doit être illettré pour la même raison que la Vierge Marie doit être vierge. Le véhicule humain d’un Message divin doit être pur et intact, car la Parole divine ne peut s’inscrire que sur la tablette pure et « intouchée » de la réceptivité humaine. Lorsque cette Parole prend forme de chair, la pureté est symbolisée par la virginité de la mère qui lui donne naissance ; lorsqu’elle prend forme de livre, le symbole en est la nature illettrée de celui qui est choisi pour annoncer la Parole aux hommes. On ne peut logiquement rejeter la nature illettrée du Prophète et défendre en même temps la virginité de Marie, car l’une et l’autre symbolisent le même aspect profond du mystère de la révélation et, si on comprend cela, on ne peut accepter l’une et rejeter l’autre.
La « nature illettrée » du Prophète montre à quel point le réceptacle humain est complètement passif devant le Divin. Sans cette pureté et cette virginité de l’âme, la Parole Divine se serait entachée, en quelque sorte, de savoir strictement humain et n’aurait pu être donnée à l’humanité dans sa pureté originelle. Le Prophète resta totalement passif face à la révélation qu’il recevait de Dieu. Il n’y ajouta rien qui vînt de lui. Il n’écrivit pas un livre, il transmit le Livre Sacré à l’humanité.
Pour poursuivre cette analogie, notons qu’étant la Parole de Dieu, le Coran correspond au Christ dans le Christianisme et que la forme du Livre, déterminée, comme son contenu, par le vouloir du ciel, correspond, en un sens, au corps du Christ. La forme du Coran est la langue arabe qui, religieusement parlant, est aussi inséparable du Coran que le corps du Christ l’est du Christ. »

— Seyyed Hossein Nasr, “Islam : perspectives et réalités”, éd. Buchet / Chastel, pp. 52-53.

« Il arrive que des Musulmans, pour qui le Coran tient lieu de ce qu’est le Christ pour les Chrétiens, reprochent à ceux-ci de ne pas posséder un livre équivalent au Coran, c’est-à-dire un livre unique, à la foi doctrinal et législatif, et écrit dans la langue même de la Révélation ; et ils voient dans la pluralité des Évangiles et des autres textes du Nouveau Testament la marque d’une division, aggravée par le fait que ces écrits ne sont pas conservés dans la langue que parlait Jésus, mais dans un langage non sémitique, ou encore traduit de ce langage en un autre tout aussi étranger aux peuples issus d’Abraham, et enfin, que ces textes sont traduisibles dans n’importe quelle langue étrangère ; cette confusion est tout à fait analogue à celle qui consiste à reprocher au Prophète d’avoir été un simple mortel. En effet, alors que le Coran est la Parole divine, c’est le Christ vivant dans l’Eucharistie qui est le Verbe divin, et non le Nouveau Testament ; celui-ci ne joue que le rôle d’un support, de même que le Prophète n’est qu’un support du message divin, et non ce message lui-même. Le souvenir, l’exemple et l’intercession du Prophète sont subordonnés au Livre révélé. »

— Frithjof Schuon, “De l’Unité transcendante des religions”, éd. L’Harmattan, p. 122.